Les forces présentes lors de la Bataille de Crécy:


  • FRANCE :

Philippe VI
Jean Ier de Bohême
Charles II d’Alençon

 

L’armée française, de 24 000 à 50 000 hommes, est organisée sur 3 lignes. Au-devant on trouve les arbalétriers génois, ainsi que 2 lignes de chevaliers. Le reste est composé de troupes à pied qui occupent l’arrière et les côtés. L’armée française n’a aucune tactique pour la bataille et arrive en fin de journée de manière confuse devant la position anglaise.

 

  • ANGLETERRE :

Édouard III (Angleterre) et le Prince Noir

L’armée anglaise est formée en 3 « batailles », 2 forment la première ligne (le Prince Noir et les comtes de Northampton et d’Arundel). Édouard III commande la troisième « bataille » qui formera la seconde ligne. L’ensemble comprend de 8 000 à 12 000 hommes, dont environ 3/4 d’archers. La première ligne est parfaitement positionnée derrière des rangées de pieux où viendront s’empaler les chevaliers français. Les chevaliers anglais sont prêts à contre attaquer si besoin.

 

Les historiens anglais de la Belle Époque estimaient l’effectif anglais à 30 000 hommes, surplombant environ par leur position une armée turbulente d’environ 100 000 hommes menée par Philippe de Valois. Aujourd’hui une majorité d’historiens s’accordent sur les estimations d’effectifs de combattants suivant: 50 000 hommes pour les troupes menées par Philippe de Valois, 20 000 hommes pour l’armée anglaise.

 

 

 

Le samedi 26 août 1346, aux environ d’un petit village de Picardie perdu au fond de la baie de Somme, se déroulait ce qui allait devenir une des plus célèbres défaites de l’Histoire de France et marquer l’histoire militaire universelle. Crécy entrait dans la légende et, avec la bataille, l’arme qui symbolisait notre ennemi anglais (et dont il ne fait désormais aucun doute qu’elle fut responsable du désastre).

 

A la nuit tombante, après 3 heures de combat seulement, c’est une déroute totale : plus de 30 000 cadavres français jonchent le champ de bataille. La fine fleur de la chevalerie française a été fauchée ; onze princes dont le propre frère du Roi de France, plus de cent dignitaires et 1200 chevaliers. L’Europe stupéfaite apprend la défaite de la plus puissante armée de l’époque face à une poignée de fantassins.

 

C’est la première grande bataille terrestre de cette guerre que les historiens baptiseront plus tard “de cent ans”. “Rien ne la distingue plus de celles qui l’ont précédée”, dit la chronique, “pas plus que de celles qui l’ont suivie. La guerre fond en général sur la campagne quand le blé est déjà haut et les filles jolies”. De fait le 12 juillet 1346, le roi d’Angleterre Edouard III, qui conteste au roi de France Philippe IV de Valois sa couronne, débarque en Normandie avec une solide petite armée de 10 000 hommes et se met en devoir de tout ravager sur son passage au cours d’un raid éclair. Arrivé ux portes de Paris après une véritable promenade de santé, il se ravise et rebrousse chemin devant Philippe qui a repris contenance et s’est lancé à ses trousses après avoir rameuté le ban et l’arrière-ban et rassemblé une puissante armée. La poursuite s’engage mais l’anglais, qui retraite en bon ordre vers le nord, reste insaisissable.

 

Finalement au bout de six semaines et après avoir échappé à l’encerclement, l’armée d’Edouard choisit son terrain et se range en bataille sur les hauteurs de Crécy. A dix contre un, les Français, confiants dans leur nombre et croyant à l’hallali, vont par plus de dix fois se lancer à l’assaut des positions anglaises. De plus en plus désorganisée et dans la plus grande confusion, l’armée de Philippe va venir se briser vague après vague jusqu’à la nuit sur le mur des archers anglais sans même pouvoir l’approcher. Ni les arbalétriers génois, ni la cavalerie lourde des chevaliers, ni l’infanterie innombrable ne pourra passer. Ce sera une hécatombe, une boucherie furieuse aggravée par les coutiliers gallois qui vont achever les hommes à terre car le roi d’Angleterre a renoncé aux rançons et donné l’ordre de tout tuer.

 

Comme pour toutes les grandes défaites militaires, nombreux furent les récits plus ou moins romancés qui en furent tirés ; et aussi nombreuses les raisons invoquées pour expliquer la déroute des Armées françaises. Un court orage ayant précédé le combat, on parla de nos troupes aveuglées par ce dernier, des chevaux ralentis par le sol boueux et… des cordes des arbalètes détrempées se retrouvant inutilisables ! En fait, si l’on veut comprendre Crécy, il faut dépasser le simple niveau anecdotique et analyser la bataille comme l’affrontement de deux mondes, de deux systèmes militaires confondus dans leurs combattants respectifs : le chevalier français et l’archer anglais. Le premier, victime de son incurable discipline et de la pesanteur de son équipement, a été cueilli par un adversaire discipliné et efficace, rompu à la stratégie et doté d’une arme redoutable. Tout sépare à vrai dire les deux camps et Crécy, outre le triomphe du grand arc anglais, devrait aussi en toute logique marquer la fin des armées féodales.

 

Une tactique militaire nouvelle

A l’image du reste d’une armée anglaise homogène, disciplinée et entraînée : le corps des archers. Il en constitue à la fois le noyau et la force de frappe, et représente certainement les deux tiers de l’effectif. A une époque où le courage et l’action individuelle priment sur le champ de bataille et où l’esprit chevaleresque prévaut, ces soldats anglais ne cherchent pas à s’illustrer par de quelconques faits d’armes, mais seulement à remporter la victoire en perdant le moins de monde possible.

 

Fait capital pour l’issue de la bataille, ils sont dangereusement sous-estimés par les chevaliers français qui n’ont que souverain mépris pour les troupes à pied auxquelles ils sont habitués : alliés tièdes, mercenaires qui renaudent et se débandent à la première occasion, ribauds qui égorgent plus qu’ils ne combattent. Toute cette piétaille encombrante est de peu de valeur sur le terrain.

 

Pour compenser une supériorité numérique écrasante en faveur des Français (la France à cette époque est cinq fois plus peuplée que l’Angleterre), l’Anglais a développé une tactique redoutable basée sur le tir de saturation de ses archers.

 

Dans son ouvrage sur Crécy, l’historien Henri de Wailly commente ainsi cette nouveauté : “L’arc n’est pas en soi une arme neuve, mais l’utilisation concentrée qu’en font maintenant les Anglais procure une puissance d’arrêt dont personne, jusqu’ici, n’avait idée. Si chaque projectile, relativement léger et peu puissant, pénètre rapidement les cuirasses, il travers les cottes de mailles et les plaques de cuir bouilli. Tirées en gerbes denses et continues et s’abattant en nappes, ces milliers de flèches aveuglent l’adversaire, le clouent sur place, ses chevaux sous lui, vaincu avant même d’avoir pu s’approcher. Sur le continent, cette archerie sera une surprise complète”.

 

On peut analyser cette pratique sous un aspect plus scientifique (même si la cinétique et même la balistique devaient être des disciplines plutôt étrangères aux capitaines anglais et à leurs troupes). Tout projectile est ralenti dans son mouvement par l’action conjuguée de la gravité et de la résistance de l’air. Une flèche soumise à ces contraintes perdra rapidement de la vitesse et donc de la puissance pour un effet terminal d’autant plus faible que la cible est éloignée.

 

D’où l’idée – résultant certainement plus de l’observation que du calcul théorique, ce qui n’enlève rien au coup de génie – de remplacer le tir direct à l’horizontale sur l’adversaire par une « pluie » indirecte et tirée à 45°. Tout objet lancé en l’air devant retomber, la même flèche reprend alors après une première phase d’ascension et de ralentissement une vitesse et une énergie exponentielle, pour arriver au sol avec une force d’impact maximum à 90°.

 

On remarquera au passage que le tir ne devait certainement pas être estimé individuellement ni laissé « à volonté » mais que les volées devaient au contraire certainement être envoyées au commandement et réglées par des préposés qualifiés, ce qui induit par ailleurs une idée de cohésion et de discipline bien éloignée de la cohue guerrière médiévale. De la justesse de leur appréciation dépendait l’effet vulnérant de la nuée qui tombait « dedans » ou « à côté ». Si l’adversaire était encore loin, il est vrai qu’il suffisait d’arroser une zone dangereuse au devant de lui, qu’il devait alors obligatoirement traverser. S’il avait pu s’avancer davantage, il aurait de plus fallu raccourcir le tir et la parabole de la trajectoire, au détriment de la puissance. Aussi cette méthode est-elle implicitement liée à une distance optimale la plus éloignée possible.

A l’aspect purement balistique s’ajoute l’effet tactique et psychologique : à angle droit, l’ennemi sera à priori moins bien protégé et davantage pris au dépourvu. Crécy comme plus tard à Poitiers ou à Azincourt, les français en feront la triste et douloureuse expérience.

 

Les troupes :

Tout au long de la guerre de cent ans, le statut – et même les appointements – de l’archer anglais restent constants. Contrairement à la masse des piétons levés à la hâte et même des chevaliers indisciplinés de l’Ost, c’est un combattant professionnel (comme d’ailleurs le reste de l’armée anglaise qui a rompu définitivement avec le recrutement médiéval (l’armée française de l’époque n’est pas une armée permanente. Basée sur le système féodal, elle est composée d’une levée en masse de serfs assujettis à leurs seigneurs et de communiers, milices des villes qui doivent le service armé à leur suzerain en temps de guerre. S’y ajoutent la chevalerie noble qui doit « la quarantaine le roi » – quarante jours de service -, et des mercenaires étrangers.)

 

A l’inverse du milicien français, paysan ou citadin réquisitionné, peu fiable et sans motivation, c’est un combattant de premier ordre, soldat payé et sûr de lui.

Il est recruté par contrat et soldé grâce aux impôts levés par le roi. En guerre « hors l’Angleterre », il perçoit trois pence par jour, six s’il est monté à cheval. Dans le contexte de l’époque, c’est une somme rondelette : entre une fois et demi et trois fois le salaire moyen d’un ouvrier qualifié dans le civil. Très moderne pour l’époque, le contrat qui le lie spécifie souvent qu’après trois ou six mois d’arriérés de solde, l’arrangement est nul et l’homme libre de tout engagement. Des bonus et gratifications peuvent également être contractuels dans le cas où le sort des armes serait particulièrement favorable.

 

Le corps des archers constitue finalement une troupe d’élite ; et ce n’est pas sans raison que les gardes personnelles de bien des princes anglais, mais aussi français ou bourguignons, sont principalement constituées d’archers. Lorsque la guerre commencera à s’éterniser et des bandes à courir les routes, on verra même des archers anglais rengagés à prix d’or de l’autre côté tant leur valeur militaire est incontestée (cette renommée n’est pas sans inconvénient : tout archer fait prisonnier et reconnu comme tel se voit couper le pouce, l’index et le majeur).

 

L’archer anglais est athlétique et plutôt grand pour l’époque ; le secret de son art réside dans un entraînement constant, rigoureux et continu. Depuis l’adolescence, il s’est exercé avec des arcs de plus en plus puissants jusqu’au grand arc de guerre qui est devenu plus qu’un outil qu’il utilise de main de maître, un véritable prolongement de lui-même. Il faut dire que dans toutes les paroisses anglaises, le tir à l’arc est un « loisir obligatoire » et que l’entraînement et les concours y sont largement encouragés par les autorités. Les rois d’Angleterre successifs ont ordonné que tous les hommes valides entre 16 et 60 ans devraient posséder chacun un grand arc et pratiquer régulièrement. Le jeu est officiellement réprouvé, au bénéfice des exercices physiques… tels que le tir à l’arc.

 

Au final, l’armée dispose d’un réservoir permanent de 15 000 archers. A ceux recrutés en temps de guerre, il faut encore ajouter ceux soldés à plein temps par la noblesse anglaise. Un tel combattant est alors un homme recherché et il est toujours équipé à grands frais de matériel de premier choix, souvent complété par une maison et d’autres avantages en nature. Même ses frais lui sont remboursés en chaque occasion où il participe à un concours de tir.

 

Le grand arc : une arme redoutable

 

Le grand arc (en anglais : long Bow) est appelé simplement « arc » à l’époque, ou même « arc anglais » en raison de la renommée de ses utilisateurs sur le continent. Il est en bois massif, généralement d’une section en D et effilé à chaque bout, et mesure entre 1m70 et 1m90. ses extrémités portent des encoches en corne incrustées ou rapportées (les « poupées », nocks en anglais) permettant d’accrocher les boucles de la corde qui est en chanvre. L’if est le bois le plus employé bien que l’orme, le noisetier, le frêne et d’autres essences soient également utilisées. Les bois d’arc étaient souvent importés d’Italie grâce au commerce avec la Sérénissime République de Venise.

 

Le corps de l’arc était taillé dans une branche avec le cœur de couleur brun-rouge pour le « ventre » ou partie intérieure de l’arme et l’aubier, de couleur jaune clair, pour le « dos » ou côté extérieur, assurant ainsi le meilleur rapport compression / élasticité.

 

La portée de l’arc dépend de sa puissance mais aussi des capacités du tireur. Des archers contemporains ont déjà réussi à tirer avec des arcs développant des puissances de 120 à 160 livres, et il ne fait aucun doute que les meilleurs archers entraînés au Moyen-âge aient été capables de performances identiques ou supérieures. De nos jours, des champions atteignent régulièrement la distance de 330 mètres avec un long Bow en if de 118 livres.

 

Des chroniqueurs rapportent que les flèches volaient en moyenne à 220 mètres et qu’en sélectionnant les archers tirant des flèches spéciales plus légères pour le tir à longue distance, on arrivait à une portée de 365 à 438 mètres. Et nombreux étaient ceux qui y parvenaient.

 

La fabrication d’arcs était à l’époque une industrie florissante et bien établie. Les bois provenaient de plantations soigneusement entretenues d’arbres « têtards » régulièrement élagués. Des édits royaux contrôlaient et encourageaient le commerce de l’archerie. Sous le règne d’Edouard IV, l’édit royal de 1472 est significatif : chaque bateau retournant vers l’Angleterre à partir « d’une ville, région ou pays où des bois d’arcs avaient pu être achetés dans le passé » devaient en rapporter quatre bois d’arcs par tonne de marchandise transportée. Le nombre en était scrupuleusement comptabilisé, les différentes importations répertoriées par qualités, et les bois – qui n’étaient que des ébauches non encore finies – devaient avoir « trois doigts de large et d’épaisseur, sept pieds de long, être bien faits, polis et sans nœuds ni imperfections ». Un facteur d’arcs expérimenté mettait ensuite une heure trois quart environ à tourner chaque ébauche pour en sortir un arc coûtant au maximum trois shillings et quatre pence (par édit royal de 1475). Encore n’était-ce là que des arcs militaires – réglementaires pour l’armée. L’arme personnelle d’un archer de métier pouvait bien coûter le double.

 

En temps de guerre une véritable armada de facteurs d’arcs et de flèches ainsi que d’autres artisans liés à leurs fabrications devaient être capables de tourner des arcs et leurs projectiles par tonnes. Il faut bien se rendre compte qu’une telle organisation à cette échelle ne pouvait en aucun cas être simple ou primitive.

 

Une pluie de flèches.

De toute façon pendant la bataille le nombre et la vitesse de projectiles importaient beaucoup plus que la portée maximale. Des témoins oculaires de l’époque qui avaient vu les archers anglais en action les utilisaient comme point de comparaison dans des métaphores telles que « plus dru que flèches dans bataille contre anglais » et d’ajouter « je suis d’avis que la plus importante chose du monde dans une bataille est l’archer, mais il doit se compter par milliers, car en petit nombre il ne fera pas la décision ». Dix coups à la minute représentait une cadence de tir soutenue mais une performance normale pour un archer entraîné. Des reconstitueurs actuels arrivent à quinze flèches par minute avec des arcs plus faciles à armer (le terme « bander » souvent utilisé à mauvais escient désigne le fait de tendre la corde sur l’arc. Pour tirer une flèche (avec l’arc bandé) on « arme » celui-ci, c’est-à-dire qu’on tire la corde vers l’arrière avec la flèche dans son encoche pour mettre l’arc en extension) de 70 livres, toutes s’inscrivant à l’arrivée dans un carré de 3,7 mètres de côté à 300 pas. C’est ce tir de « barrage » (comparable à l’utilisation moderne de l’artillerie) qui rendait les formations d’archers anglais terriblement – et mortellement – redoutables. Mille archers pouvaient ainsi déverser une grêle de dix à douze mille traits sur leur adversaire en moins d’une minute ; et une armée en campagne comptait normalement plusieurs milliers d’archers. De telles formations sont virtuellement inexpugnables, et c’est pour cette raison que les archers sont équipés légèrement et pratiquement sans pièces d’armures : une simple brigandine ou vêtement matelassé, éventuellement complétée d’une cotte de maille et d’un casque simple ou chapel de fer.

 

L’effet psychologique de cette nuée est remarquablement interprété par Henri de Wailly dans son ouvrage « Crécy 1346, autopsie d’une bataille » paru en 1985 aux Editions Lavauzelle : « Comme lors des précédentes rencontres, des milliers de combattants plient au premier contact avec l’arme nouvelle. Ni prévenus, ni équipés pour supporter les volées denses de flèches tirées au commandement, mortellement offerts à cette pluie de minces projectiles, ils se découvrent nus.

 

Sous la volée d’un nuage de saiettes (terme médiéval désignant la flèche de guerre. Par un remarquable effet mimétique, il reproduit le bruit du projectile tombant en accélération verticale) qu’on voit venir avec effroi il y a d’abord, montrent les miniatures contemporaines, un grand nombre de blessés, épaules ou cuisses traversées, qui s’effondrent en criant : ils crient autant de douleur que d’épouvante de se sentir soudain voués à une mort prochaine, allongés sous ce ciel qui tue jusqu’à l’approche des coutiliers. Les autres, ceux qui demeurent debout, stoïques sous les premières rafales, sont ébranlés par le spectacle des pertes rapides, ce nombre élevé de blessés alors que l’ennemi est encore si loin. Ils voient, là-bas, un nouveau nuage s’élever : d’autres flèches. Elles jaillissent dans le ciel, montent lentement, semblent s’arrêter et, dans un bruit de vent, fondent d’un coup sur eux. Chacun sait qu’il va être transpercé, cela paraît inévitable. Entre l’empalement vertical sans profit pour personne et la débandade, qui hésiterait ? ».

 

Un projectile meurtrier:

La flèche de guerre moyenâgeuse est d’une efficacité brutale malgré son aspect fruste et grossier. Longue d’environ 90 centimètres, elle pouvait être faite d’une douzaine de bois différents mais le tremble était le plus couramment utilisé, le frêne venant en second. La forme et les caractéristiques de chaque type de flèche pouvait varier ainsi que ses performances : droite, effilée, bombée au milieu ou vers l’arrière au niveau de l’encoche. Cette dernière était la plus efficace d’un point de vue aérodynamique et préférée des tireurs les plus robustes. L’empennage, habituellement en plumes d’oie, mesurait 15 à 20 centimètres. Il était collé et souvent renforcé par une spirale de fil poissé. Les besoins étaient tels qu’en 1470 il fut institué que les six rémiges (grandes plumes des ailes) de chaque oiseau devaient être collectées à travers tout le pays et dans toutes les villes et villages d’Angleterre pour être stockées à Londres. Les pointes étaient de forme variable mais celle appelée « bodkin » (poinçon en anglais), étroite et de section carrée, s’avérait parfaite pour traverser les cottes de maille et les armures légères.

 

La plupart des flèches étaient arrêtées par les armures de plates des chevaliers et des hommes d’armes, même à courte distance. Comme pour toute arme de jet, le pouvoir vulnérant dépend énormément de l’angle d’impact du projectile sur la cible ; mais même une flèche retombant à 90° n’avait pas assez d’énergie pour traverser une protection en acier et blesser sérieusement. Par contre, les blessures infligées aux parties du corps ou à des adversaires moins bien protégés pouvaient être profondes de plusieurs paumes et causer des lésions internes dont l’issue restait la plupart du temps fatale. il faut garder présent à l’esprit qu’un flèche de guerre anglaise traverse sans effort en tir direct une planche de deux centimètres et demi de bois sec. De plus en combat l’archer piquait souvent ses flèches en terre à ses côtés pour les avoir prêtes à portée de la main : il ajoutait ainsi sans le vouloir des particules de terre aux souillures dues aux lambeaux de vêtements et autres corps étrangers qui pénétraient volontairement dans la blessure et causaient la plupart du temps des infections mortelles longtemps après la bataille ; d’où la légende infondée que les flèches anglaises étaient empoisonnées.

 

Il est fait référence de plusieurs types de flèches : celles pour le « vol » ou tir à grande distance, et d’autres plus lourdes et de pointes différentes. L’archer avait en général ses propres flèches favorites, de meilleure facture et de finition plus soignée, mais aussi plus chères que les « réglementaires ». il était sensé arriver sous les drapeaux avec une réserve personnelle de 24 à 30 flèches, et sa dotation sur le champ de bataille était de deux « bottes », ce qui lui donnait une capacité de tir de quatre à cinq minutes. Il est clair que d’immenses réserves devaient être nécessaires ; et les documents d’époque en font clairement mention. En 1359 par exemple, 20 000 arcs, 850 000 flèches et 50 000 cordes d’arcs furent rassemblées à la tour de Londres et des listes d’intendance datant de 1475 font état de 10 060 « bottes » – plus d’un quart de million de projectiles.

 

Pendant le combat, « la consommation est énorme puisque c’est de la densité du tir que dépend la puissance d’écrasement » (Henri de Wailly). Selon le même auteur, « on peut estimer grossièrement qu’à un combat comme celui de Crécy, qui dura trois heures environ et au cours duquel 3200 à 5000 archers furent engagés peut-être un sixième du temps, de 150 à 230 mètres cubes de flèches furent employés, c’est-à-dire le contenu de 35 à 55 chariots de 4 mètres cubes. Bien entendu, tous ces chiffres sont approximatifs, et donc contestables. Ils situent simplement l’importance de la logistique dans l’utilisation des archers telle que le font les anglais. Si le combat se prolonge au-delà des quelques minutes qu’assure sa dotation personnelle, l’archer est alimenté en munitions par un incessant va-et-vient de valets d’armes qui courent à l’arrière au ravitaillement.

Les flèches sont rarement dans un carquois rigide comme dans l’imagerie populaire véhiculée par l’histoire (romancée) de Robin des Bois. Elles sont la plupart du temps portées en vrac à la ceinture les pointes en bas, ces dernières généralement protégées dans une bourse en cuir serrée par deux lacets, plus rarement dans une vaste poche en tissu qui est plus un sac qu’un carquois. Une fois de plus, c’est l’utilisation militaire qui dicte cet usage : un carquois rigide porté dans le dos est certes pratique pour la chasse ou le voyage, mais s’avère inefficace pour le tir rapide exigé par les conditions de combat.

 

 

Source: History Department at the United States Military Academy (Public Domain / Domaine public).