LE BÉHOURD AU FÉMININ
« Non ma fille, tu ne feras pas de sport de combat ! Tu n’es pas un garçon ! » Nombreuses sont celles qui ont entendu cette phrase. Jehanne Dering en fait partie. Aujourd’hui, elle est la capitaine de l’équipe de béhourd Korventenn An Ermin (Bretagne) et responsable du Comité du béhourd féminin. Un sacré parcours, une sacrée revanche.
Son objectif désormais est de faire rayonner le béhourd féminin, donner envie à d’autres de se lancer dans l’aventure et surtout, briser les idées reçues. « On entend souvent que c’est un sport de tarés et trop dangereux. J’ai voulu voir par moi-même si c’était vrai. » Et bien entendu, ça ne l’était pas.
Alors comment intégrer une féminine dans une équipe ?
Déjà, en évitant de prononcer le mot « insolite » en parlant de femmes dans le domaine du béhourd. Puis, en étant à leur écoute lors des entraînements mixtes, ainsi qu’en leur proposant un accompagnement fiable et sécurisant. C’est en tout cas ce que pense fermement Jehanne après avoir côtoyé des combattantes à haut potentiel, qui ont préféré jeter l’éponge, faute d’encadrement. « C’est une erreur de mettre tout le monde dans le même panier. Une nouvelle combattante a tendance à avoir peur de se faire mal, appréhende la différence de force avec les hommes lors des entraînements conjoints et ça peut être très frustrant quand on démarre. » Pour la capitaine bretonne, il faut donc établir un climat d’entraide et ne pas invisibiliser les difficultés. « Tout le monde est sensible, les hommes l’expriment juste moins. »
L’objectif n’est pas de traiter différemment les femmes, mais bien de comprendre leurs motivations et créer un lien de confiance. « Quand une nouvelle nous rejoint, on doit se demander : que vient-elle chercher à nos côtés ? Qu’a-t-elle à régler avec elle-même ? » C’est à ce moment-là qu’on découvre la force de chacune. Et parfois, il y a de belles surprises, car « certains profils non sportifs deviennent de vraies machines ». Aujourd’hui, le béhourd féminin, c’est réveiller la guerrière qui se cache derrière chaque combattante, quel que soit son gabarit et son expérience sportive. « Chez nous (Korventenn An Ermin), Leïla a mis deux ans à avoir son armure avec son salaire d’étudiante. Elle n’a rien lâché et est devenue un pilier en lice en même pas un an. »
Créer, communiquer et faire quelques sacrifices
Créer, communiquer et faire quelques sacrifices Actuellement, le manque de clubs féminins en France entraîne une difficulté : ce sont souvent les mêmes équipes qui se rencontrent en lice lors des tournois nationaux. Pour Jehanne, il faut alors « trouver des personnes prêtent à fonder des clubs, à monter des équipes féminines dans des clubs déjà existants, pour faire évoluer le béhourd féminin. » Ou alors proposer des coalitions, comme c’est le cas avec « Les hardies de Provence », regroupant quatre clubs différents. Évoluer, c’est aussi prendre en exemple les clubs étrangers, déjà un peu plus avancés, tant dans la cohésion d’équipe que dans la qualité de l’équipement, permettant de se projeter plus facilement dans les tournois.
Le béhourd, ça fait rêver, « mais c’est de l’investissement en temps, en argent, en déplacement », met en garde Jehanne. « Pour le tournoi de Poligny, Korventenn An Ermin s’est déplacée pour un seul combat de trois rounds. Ça peut paraître dérisoire, mais on s’est montrée et prouvé qu’on existe, qu’on a un niveau. »
Alors il faut aussi communiquer et c’est bien l’objectif pour 2023 ! Déjà très présente sur les réseaux sociaux en tant que capitaine, Jehanne veut faire vivre le comité féminin sur le web. « Les réseaux ont une réelle influence, et aujourd’hui si on ne veut pas crever, il faut partager notre passion au-delà du club. » Se rendre visible à travers la France, laisser les combattantes parler de leur passion avec ferveur et recruter peut-être plus facilement, qui sait ? Mais aussi créer une dynamique autour d’événements. Le comité de béhourd féminin travaille actuellement à redorer l’image du sport féminin et souhaite à terme, proposer un format de combat offrant plus de visibilité lors des tournois. Le tout avec des combattantes françaises et étrangères.
En attendant, les équipes féminines existantes vont avoir besoin de soutien pour les prochains grands tournois décisifs, à commencer par la Coupe du Monde à Libusin (Tchéquie), fin avril. De leur côté, les bretonnes ont d’autres belles rencontres au planning, comme le Zannekinfeest dans le Nord de la France ou encore un des plus grands tournois officiels en Allemagne, Way Of Honor, prévu en septembre. L’occasion de performer, monter en gamme et prouver que le béhourd féminin a de beaux jours devant lui.