Alésia, un musée pour commémorer une défaite :
Ouverture à Alise-Sainte-Reine, en Bourgogne, du MuséoParc Alésia, sur le site où s’affrontèrent en 52 avant notre ère plus de 200 000 soldats romains et gaulois, conduits par Jules César et Vercingétorix. Le « centre d’interprétation » du MuséoParc d’Alésia sera complété en 2015 par un musée.

Il est venu, il a vu, il a vaincu. À Alésia, comme ailleurs, César se montra fin stratège, mettant en déroute l’armée gauloise et capturant son chef, Vercingétorix, qu’il exhibera et humiliera pendant six années avant de le tuer. Si la France conserve à ce point la mémoire de cette défaite, c’est que Napoléon III et surtout la IIIe République ont voulu lire dans cette bataille la fondation d’une nation capable, pour lutter contre l’envahisseur, de s’unir derrière un seul chef, érigé en héros. L’image a fait son temps, mais la fascination pour ce face-à-face entre deux civilisations, entre deux hommes demeure.

Le site archéologique d’Alise-Sainte-Reine, en Côte-d’Or, attirait chaque année quelque 25 000 visiteurs. Avec l’ouverture d’un « centre d’interprétation », premier pôle du MuséoParc Alésia qui sera complété en 2015 par un musée, on attend désormais 150 000 personnes par an. Ce bâtiment conçu par l’architecte Bernard Tschumi épouse le point de vue de l’armée romaine : il est posé dans la plaine, face au mont Auxois où s’étaient réfugiés, en attendant l’arrivée d’une armée de renfort, les soldats gaulois encerclés par les troupes de César.

ATRIUM DE BÉTON CLAIR
« Nous avons séparé le centre d’interprétation, où on raconte et on explique, et le musée, où seront présentées des pièces archéologiques, explique Bernard Tschumi. Toute bataille est un dialogue brutal ; nous essayons de l’exprimer par l’architecture. La forme ronde du centre d’interprétation, sans la frontalité d’une façade, la résille de bois qui l’enveloppe et la terrasse arborée qui la domine favorisent son insertion dans le paysage. »

À l’intérieur, des colonnes penchées donnent une sobre solennité à un lumineux et vaste atrium de béton clair, en évitant la monumentalité. Par un escalier-rampe circulaire, le visiteur atteint le parcours-exposition, accueilli par Jules César et La Guerre des Gaules dont les mots, dans la pénombre d’une galerie, se transforment en guerriers gaulois et romains. Sur 1 200 m², au fil des cimaises, dioramas, vitrines, bornes interactives et maquettes, s’esquissent l’ascension de Jules César sur fond de crise de la République, sa conquête de la Gaule, les deux armées en présence, l’histoire du siège et de la bataille, le mythe gaulois.

En comparaison du chef romain, Vercingétorix fait figure d’illustre inconnu. On ignore jusqu’à son apparence : les monnaies frappées à son nom avaient pour effigie Apollon. Ses cheveux longs et ses impressionnantes bacchantes doivent plus à des interprétations erronées de textes anciens qu’à la vérité historique. Des audioguides en accès libre, déclinés en version adulte et enfant, facilitent la compréhension d’une exposition détaillée et complexe. Dans une salle de cinéma, un film de dix-huit minutes rapporte, images de synthèse à l’appui, les événements de l’an 52 av. J.-C. tels que les a racontés César.

PAYSAGES ALENTOUR
Ouvert sur les paysages alentour, le centre d’interprétation propose des lunettes qui superposent aux collines avoisinantes les reconstitutions historiques. À l’extérieur, les doubles fortifications romaines sont reproduites en taille réelle sur une centaine de mètres, avec fossés, remblai, rempart, palissade, tours et pièges hérissés de pointes.

Une première ligne courait sur 14 kilomètres pour encercler les Gaulois réfugiés sur le mont Auxois ; une seconde, longue de 21 kilomètres, protégeait les Romains de l’armée gauloise de secours. À l’horizon 2016, un vaste réseau de parcours découverte permettra d’explorer les 7 000 hectares de la bataille et de relier, à pied ou en navette, les deux kilomètres entre le centre d’interprétation avec ses fortifications et le musée archéologique.

Corinne Renou-Nativel (à Alise-Sainte-Reine, en Côte-d’Or)

Source: la-croix.com